Published by Rudi Plettinx, on 07/03/2008
Nous adorons les gros chiffres, surtout s’ils sont associés avec le mot PERTE. Nous sommes ravis d’apprendre qu’un homme peut, à lui seul (seul, vous y croyez ?), provoquer des pertes s’élevant à 5 milliards d’euros. C’est une perte deux fois plus importante que celle générée en 1996 par Yasuo Hamanaka de la banque Sumitomo et quatre fois plus élevée que celle du « courtier fou » Nick Leason en 1995.
« Les dirigeants doivent démissionner », disent les critiques. « Où sont passés les contrôles? » demandent les autres. Au beau milieu de cette agitation, le bouc émissaire désigné, Jérôme Kerviel, voit sa vie minutieusement disséquée par les médias.
Redescendons sur Terre. Cette perte record ainsi que toutes les pertes précédentes (car ce secteur ne semble pas réussir à apprendre de ses erreurs), mettent une chose en évidence : il ne s’agit pas de manque de contrôles, mais d’absence de leadership.
Ce n’est pas le LEADER qui est absent, mais le LEADERSHIP. On peut dire tout ce que l’on veut sur les systèmes et les contrôles, mais ceux-ci ne sont d’aucune utilité lorsqu’il n’y a pas de leadership. Comme je m’évertue à l’expliquer, et ce type d’évènement ne fait que renforcer ma frustration, le leadership ne se résume pas à un homme ou à une femme. Il s’agit de toute l’entreprise.
Il y a peu, je discutais à Londres avec un groupe de jeunes courtiers travaillant dans un groupe bancaire international. Ils m’ont confié qu’ils n’avaient jamais vu les grands pontes, les hauts dirigeants, qu’ils ne se mélangeaient pas aux autres. L‘un d’eux a affirmé : « nous ne sommes pas sur la même planète qu’eux ». Cette situation ne reflète pas uniquement un mauvais leadership, elle couve en son sein des problèmes à venir, tout simplement.
Pire encore, le directeur général d’une entreprise financière m’a expliqué en jubilant que ses courtiers sont « si doués qu’ils conçoivent des instruments financiers tellement complexes qu’aucun des dirigeants n’arrive à les comprendre ». Ça, c’est vraiment très fin !
Si, dans des situations difficiles (et il n’y a rien de plus compliqué que le parquet de la bourse), vous ne pouvez pas créer une vision commune, alors les contrôles seuls ne vous serviront à rien. Mais le leadership, qui fonctionne dans toutes les situations, permet d’offrir l’environnement idéal pour que tous puissent travailler main dans la main.
Et après, à qui le tour ? Je ne sais pas, mais le modus operandi actuel n’a pas fait ses preuves. Est-ce qu’Axel Miller de Dexia, Jean-Paul Votron de Fortis et Michel Tilmant d’ING dorment sur leurs deux oreilles ? Qu’est-ce que ça fait d’être dans son lit à se demander ce que mijotent les courtiers de leur activité 24/7 ?
Toutefois, nous ne devons pas non plus faire preuve de suffisance à ce propos. Les activités belges du Crédit Lyonnais lui ont coûté, en 1997, près de 100 millions d’euros lorsque Daisy Ragolle, 30 ans d’ancienneté, a viré de l’argent sur les comptes de son mari.
Les enquêteurs ont conclu à un « manque de contrôles internes ». Ils auraient dû remplacer « contrôles internes » par un seul mot : leadership.
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