Published by Securex, on 10/09/2013
(Ce texte a déjà été publié dans Le Soir du 29/08/2013)
Vous êtes malade : un spécialiste vous conseille de rester à la maison, un autre de poursuivre le travail. L’absentéisme est-il bon ou mauvais pour la santé ? Rester chez soi permet-il se rétablir ? Ou au contraire, guérit-on plus vite en continuant de travailler ? Plutôt que de trancher, il convient de tenir compte des situations individuelles.
La semaine dernière, un livre intitulé Le surprésentéisme – Travailler malgré la maladie a été publié en France. D’après les estimations de l’auteur, Dennis Monneuse, au cours de l’année écoulée, un peu plus de la moitié des employés français se sont rendus au travail alors qu’ils étaient malades. Monneuse s’inscrit en faux contre ce phénomène : poursuivre le travail alors qu’on est malade serait dangereux pour la santé et celle des collègues. En d’autres termes : l’absentéisme est bon pour la santé. D’autre part, aux Pays-Bas, Marleen Teunis affirme dans son ouvrage Werken, iedereen wordt er beter van (Tout le monde se porte mieux en travaillant) que poursuivre le travail, même en étant malade, constitue souvent une option plus salutaire que rester chez soi. Autrement dit : l’absentéisme est mauvais pour la santé. Qui a raison ?
Dans notre pays, on constate une augmentation structurelle de l’absentéisme, ou du moins des absences prolongées. Cela s’explique en partie par le vieillissement de la population (les travailleurs plus âgés s’absentent généralement plus longtemps en cas de maladie) et par l’augmentation du stress professionnel. C’est ce qui ressort d’une étude antérieure du département HR Research de Securex. On constate, en revanche, une chute dans l’évolution des absences de courte durée. Sur une pente ascendante depuis 2004, le phénomène est à la baisse depuis 2009. En effet, en raison de la crise économique, un certain nombre de travailleurs – notamment les ouvriers – se font porter malades bien moins souvent, de peur de perdre leur emploi. Une partie d’entre eux, à tout le moins, ‘pèche’ donc par (sur)présentéisme.
Securex a mené une étude sur la question du présentéisme en Belgique. Quelles en sont les conclusions ? On note que presque tous les indépendants continuent de travailler en étant malades. Diverses réactions à notre étude recueillies sur les réseaux sociaux nous permettent également d’observer que certains employés, dirigeants, ouvriers et fonctionnaires poursuivent régulièrement le travail en cas de maladie.
Pourquoi continue-t-on à travailler en étant malade ?
Le présentéisme peut s’expliquer de plusieurs façons. Nous avons déjà évoqué la peur du licenciement des travailleurs. Quant aux indépendants, ils continuent généralement de travailler en cas de maladie par crainte de perdre des commandes. Dans certains secteurs, une autre raison encore pousse les ouvriers à y réfléchir à deux fois avant de se faire porter malades : l’existence du jour de carence, toujours d’actualité. Les indépendants, eux, ne sont même pas payés durant l’intégralité du premier mois de congé maladie. Cependant, les arguments expliquant la poursuite du travail ne sont pas forcément tous négatifs. Face à des soucis de santé, certains travailleurs et indépendants décident de poursuivre le travail par sens des responsabilités : « Quelqu’un d’autre devra reprendre mon travail à ma place » ou « Si je ne le fais pas, qui le fera ? ». Et pourquoi ne continueraient-ils pas à travailler tout simplement par pure motivation pour leur emploi ? Il existe de nombreux travailleurs et indépendants qui considèrent que leur emploi est plein de sens, voire qui aiment leur travail.
Tous ces arguments en faveur de la poursuite du travail sont pertinents lorsque les problèmes de santé du travailleur sont relativement bénins ou lorsque celui-ci se trouve encore en état de travailler. En effet, se sentir ou même être malade et être incapable de travailler sont deux choses bien différentes. Un employé peut tout à fait travailler avec une jambe cassée. De façon analogue, en cas de rhume ou de (légère) grippe, le télétravail permet de fournir un travail tout à fait satisfaisant tout en évitant de contaminer ses collègues. Quant à un ouvrier stressé par des difficultés d’ordre privé, se rendre au travail est parfois plus judicieux que rester chez soi. Il y a quelques années, une enquête réalisée sur un échantillon représentatif de travailleurs nous apprenait qu’au moins 83 % de ces derniers souffraient régulièrement d’un ou de plusieurs problèmes de santé. Au cours des 12 mois précédant l’enquête, 44 % des travailleurs souffrant de problèmes de santé continuaient de travailler. Ils se sentaient suffisamment capables de travailler, malgré leurs soucis de santé.
Nous avons jusqu’ici uniquement abordé la question de la capacité à effectuer les tâches habituelles. Souvent, on est encore tout à fait apte à mener à bien des tâches adaptées ou différentes. Les employeurs qui prévoient ce type de flexibilité connaissent ainsi davantage le phénomène du « présentéisme ». Mais celui-ci est-il à ce point mauvais ?
Nous l’avons vu : il y a malade et malade. La notion d’« être malade » couvre en fait un large spectre, allant des soucis de santé et de la sensation d’être malade à l’incapacité à effectuer certaines ou toutes les tâches de son poste actuel et à l’incapacité totale de travail.
Ne pas systématiquement déconseiller le présentéisme
Le présentéisme entraînerait de nombreuses conséquences négatives. Mais à quel point celles-ci le sont-elles réellement ? Un travailleur poursuivant le travail en étant malade ne serait pas productif à 100 %. Mais 50 %, n’est-ce pas déjà mieux que 0 ? Par ailleurs, le travailleur est peut-être capable d’être productif à 100 % pour un nombre de tâches limité. Un travailleur souffrant de problèmes de santé serait aussi plus susceptible de commettre des erreurs. Mais n’est-ce pas également le cas de quelqu’un qui prend des risques lors du lancement d’un nouveau projet ? Il serait également plus judicieux d’écarter le présentéisme afin d’éviter le danger de contamination. À cela, je répondrais qu’il existe des solutions telles que le télétravail ou la réalisation de tâches différentes impliquant moins de contacts directs avec les autres. Poursuivre le travail en étant malade rendrait la guérison plus difficile. Je ne pense pas me tromper en affirmant que la liste des maladies nécessitant d’être alité est relativement limitée. Parfois, il est même salutaire de s’occuper de manière judicieuse ou d’avoir des contacts avec les autres. Et pourquoi cela ne serait-il pas possible au travail ? Travailler permet de se sentir utile et soutenu par ses collègues. Bien entendu, lorsque les problèmes de santé constituent un danger pour sa propre sécurité ou celle des autres, il est préférable d’éviter le travail. Mais dans ce cas également, il peut être possible d’adapter son emploi. Un ouvrier du bâtiment souffrant de problèmes d’équilibre pourrait, par exemple, n’être affecté qu’à des chantiers où cela ne représente aucun danger.
Rester chez soi ou poursuivre le travail : une décision à prendre au cas par cas
La question n’est donc pas de savoir lequel, de l’absentéisme ou du présentéisme, est meilleur pour la santé. Au moment de se décider si l’on reste chez soi ou si l’on poursuit le travail (ou si on le reprend plus tôt que prévu), il convient de prendre en compte la situation concrète du travailleur : « Qu’est-on encore/déjà capable de faire ? » ainsi que celle de l’entreprise : « Quelles adaptations du poste occupé/de l’environnement de travail sont-elles possibles ? » « Peut-on provisoirement envisager une productivité réduite ? » « Quels types de formations/d’encadrement l’entreprise peut-elle proposer ? » Dans l’idéal, le collaborateur et son responsable discutent ensemble du choix qui s’impose (absentéisme ou présentéisme) en fonction de la situation.
Heidi Verlinden – HR Research Expert
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