Published by Securex, on 14/02/2014
Sous le prétexte du « nouveau travail », de plus en plus d’organisations instaurent des initiatives comme le télétravail, les horaires flexibles et l’environnement de bureau ouvert. Une question importante est de savoir quels avantages ces initiatives apportent réellement. Les collaborateurs sont-ils vraiment plus performants s’ils peuvent travailler à la maison ? Les horaires flexibles rendent-ils les collaborateurs plus heureux ? Ou d’autres facteurs sont-ils tout aussi décisifs ?
Le nouveau travail apparaît de plus en plus souvent comme la solution miracle pour augmenter à la fois la productivité et le bien-être des collaborateurs. Le travail indépendant du lieu et du moment, l’empowerment des collaborateurs et un environnement de bureau ouvert et flexible sont autant d’initiatives qui s’inscrivent dans ce cadre. La question reste toutefois de savoir si ces mesures font effectivement la différence. Nous apportons une réponse à l’aide d’une analyse systématique de la littérature scientifique.
Principe 1 : travail indépendant du lieu
Le travail indépendant du lieu consiste à travailler depuis un endroit différent du lieu de travail standard ou central. Dans la pratique, on parle surtout de télétravail ou de travail à domicile. Malgré la grande popularité de cette mesure, une méta-analyse à grande échelle de toutes les études existantes de haut niveau montre que ses effets, tant sur la productivité que sur la satisfaction professionnelle, sont pratiquement insignifiants. De petits effets positifs ont, certes, été constatés, mais le travail indépendant du lieu ne s’apparente pas à la solution miracle pour faire progresser les collaborateurs au sein de l’organisation.
Principe 2 : travail indépendant du moment
Grâce au travail indépendant du moment, un collaborateur bénéficie d’une certaine flexibilité dans l’organisation de son temps de travail. Cette flexibilité peut concerner les heures de début et de fin du travail, les pauses ou encore la répartition du travail sur la semaine. Une analyse systématique de plus de 30 études montre qu’un contrôle accru des horaires produit des effets plutôt faibles, bien que positifs, sur le bien-être et les performances des collaborateurs.
Principe 3 : Empowerment
L’empowerment est un autre terme à la mode en lien avec le nouveau travail. Il consiste en une certaine décentralisation des compétences décisionnelles et en un transfert des décisions aux collaborateurs. Ces derniers peuvent ainsi faire eux-mêmes leurs choix sur la direction qu’ils veulent prendre et perçoivent une meilleure concordance entre leur emploi et leurs valeurs, leurs intérêts et leurs forces. Les collaborateurs se sentent, en outre, plus compétents dans l’exercice de leur activité et ont l’impression que leur travail a davantage d’impact. Cette autonomie accrue jouerait un rôle important dans la satisfaction et les performances des collaborateurs, comme le montre une autre méta-analyse récente. L’empowerment présente une forte relation positive avec la satisfaction professionnelle et une relation plus modérée avec les performances individuelles et d’équipe.
Principe 4 : environnement de bureau ouvert
Un environnement de bureau ouvert dans le contexte du nouveau travail renvoie à deux aspects : un agencement ouvert et une utilisation flexible des bureaux. Cela signifie généralement que les collaborateurs et les cadres travaillent ensemble dans des espaces ouverts, sans poste de travail fixe. Les chercheurs ont remarqué à travers plusieurs études que les travailleurs sont moins satisfaits de l’agencement ouvert des bureaux. Ils se plaignent notamment des nuisances sonores. En ce qui concerne l’effet sur la productivité, nous ne pouvons actuellement tirer aucune conclusion sur la base des recherches. Il en va de même pour l’impact du manque de poste de travail fixe sur la satisfaction des collaborateurs et l’effet des postes de travail flexibles sur la productivité. Deux aspects pour lesquels nous n’avons pas trouvé suffisamment d’études.
Y a-t-il un business case pour le nouveau travail ?
Que pouvons-nous en tirer en ce qui concerne le nouveau travail ? Le travail indépendant tant du lieu que du moment semble actuellement n’avoir qu’une influence négligeable sur la productivité et la satisfaction des collaborateurs. Bien que les organisations autorisent de plus en plus le télétravail et les horaires flexibles, nous constatons que ces deux aspects sont souvent encore fortement régulés. Un collaborateur doit bien souvent attendre une approbation formelle pour travailler un ou plusieurs jours fixes à domicile. Dans d’autres cas, le télétravail est fortement encouragé, bien que tous les travailleurs n’y soient pas favorables. Un horaire décalé offre plus de flexibilité, mais l’organisation continue de définir le cadre et contrôle encore de près les heures effectuées. Les organisations imposent, en outre, souvent le même régime à tous, alors que tous les travailleurs ne souhaitent pas bénéficier de cette flexibilité. Offrons-nous réellement plus d’autonomie aux collaborateurs si nous continuons à réguler le télétravail et les horaires plus flexibles ? Ne devons-nous pas demander aux travailleurs de rendre des comptes sur leurs résultats plutôt que sur les heures prestées et le nombre de jours de présence au bureau ? Comment répondre aux besoins individuels des travailleurs ? Il ressort de constatations scientifiques que l’empowerment constitue un facteur essentiel pour doper le bien-être et les performances des collaborateurs. L’étude empowerment nous apprend que nous devons surtout nous concentrer sur l’autonomie, les possibilités et l’assistance afin que les travailleurs puissent donner le meilleur d’eux-mêmes en tenant compte de leurs préférences et de leurs besoins individuels. Le travail indépendant du lieu et du moment peut en être une conséquence logique, mais n’est pas une condition suffisante.
Des I-deals ou un genre de convention personnelle entre le collaborateur et l’organisation peuvent apporter une solution à la régulation au niveau de tous les collaborateurs. Un I-deal est un accord volontaire personnel avec l’employeur, à la mesure du collaborateur, et qui diverge des accords standards, mais qui a été négocié individuellement avec l’employeur pour aboutir à une situation win-win. Ces accords peuvent notamment concerner le moment, le lieu et le contenu du travail. L’étude relative aux I-deals est encore fraîche, mais les premiers résultats montrent déjà leurs possibles effets positifs. Les conditions préalables sont toutefois essentielles, car les I-deals véhiculent aussi une impression d’inégalité, ce qui doit être évité à tout prix.
Pour répondre au besoin d’études sur ces nouveaux principes, une chaire Securex a été créée dans le giron de l’université de Gand et s’intitule « Working in the 21st century: creating business results through a personalized organization ». Elle convie des professionnels RH, des chefs d’entreprise et des décideurs politiques à réfléchir à une tout autre manière de travailler. Sur la base d’études fondamentales et appliquées, ils généreront de nouvelles perspectives et des solutions réalisables pour préserver le bonheur et la productivité des collaborateurs au travail.
Lien Vossaert
(Lien Vossaert travaille sous la promotion du professeur Frederik Anseel en qualité de doctorante pour la chaire de Securex « Working in the 21st century: creating business results through a personalized organization » à l’université de Gand. Pour toute question ou référence : Lien.Vossaert@ugent.be.)
Références :
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Nijp, H., Beckers, B., Geurts, S., Tucker, P., & Kompier, M. (2012). Systematic review on the association between employee worktime control and work-non-work balance, health and well-being, and job-related outcomes. Scandinavian Journal of Work, Environment and Health, 38, 299-313.
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