Published by Guests, on 25/11/2014
Par Charles-Henri Besseyre des Horts (professeur associé, HEC/Paris)
Au cours des dernières années, il y a peu de sujets qui incitent à l’optimisme des DRH tant ils se voient toujours cantonnés dans des rôles de mise en œuvre des stratégies de restructurations. Parmi les sujets qui sont cependant susceptibles de redonner un peu d’espoir à une fonction – la fonction RH – si malmenée depuis quelques années, celui de l’analytique RH – version RH du fameux “business analytics” – avec l’explosion du phénomène du Big Data est sans doute l’un de ceux qui semblent parmi les plus prometteurs pour peu que les DRH sachent se saisir de l’opportunité qui se présentent à eux pour regagner de la crédibilité er de la légitimité dans des comités de direction et autres comités stratégiques largement focalisés sur l’utilisation des chiffres et leur signification.
L’enjeu principal pour les DRH est, en effet, de pouvoir maitriser l’analyse de quantités sans cesse croissantes de données accessibles pour en tirer des relations entre des phénomènes apparemment sans lien évident comme, par exemple; l’impact du lieu de résidence sur l’absentéisme ou la surcharge de travail. Sans céder cependant à la tyrannie des chiffres, il est crucial pour eux de démontrer des capacités d’analyse, par l’analytique RH, de la masse impressionnante des données de plus en plus disponibles avec le développement exponentiel de l’usage des sites emplois, des intranets RH et surtout des réseaux sociaux pour en extraire de l’information pertinente pour leurs décisions et leurs actions. Pour cela, il leur faudra relever trois défis qui sont les clés du repositionnement de la fonction RH dans le domaine de l’analytique: la compréhension du phénomène du Big Data dans le domaine RH, le développement de compétences analytiques dans la fonction RH, l’utilisation des résultats de l’analytique RH pour la définition et la mise en œuvre de la politique RH.
Comme le souligne un livre récent[1], la définition du phénomène du “big data” n’est pas stabilisée puisqu’il peut désigner tout autant l’ensemble des données obtenues par l’usage d’internet, toutes les données dont les flux sont en temps réel ou de larges ensembles de données qui ne peuvent pas être traitées par les logiciels traditionnels d’analyse de données. De ces trois conceptions, c’est sans conteste la troisième qui est la plus communément admise avec trois caractéristiques qui ont été proposées par IBM : le volume avec la quantité astronomique de données qui sont disponibles dans tous les domaines d’activités de l’entreprise (finances, marketing, ventes, RH…), la vélocité avec le besoin de traiter de plus en plus rapidement ces volumes importants de données comme le démontre l’exemple d’une des leaders mondiaux du “busines analytics”, SAS Institute,qui a été capable de réduire de 17h à 15mn le traitement des données d’un gros client en mettant en parallèle un nombre impressionnant d’ordinateurs[2], et la variété avec des données de natures très différentes entre des données très structurées (par ex, des chiffres de ventes ), semi structurées (par ex, des données d’enquêtes clients) voire non structurées (par ex, des commentaires sur les réseaux sociaux).
Dans cette perspective, les DRH doivent pouvoir comprendre les enjeux que représente pour eux le développement du Big Data qui peut leur apporter une richesse d’informations inconnue jusqu’alors leur permettant ainsi d’identifier des tendances, proposer les explications de certains phénomènes jusqu’alors difficilement analysables comme, par exemple, la compréhension fine de l’absentéisme court dans certaines activités de services. Le Big Data apporte une nouvelle dimension aux DRH en permettant de croiser les informations RH entre elles, mais aussi avec celles des autres métiers de l’entreprise comme les résultats commerciaux ou les ratios financiers, ou celles provenant de l’extérieur (réseaux sociaux, CV-thèques, bases de données publiques)[3].
L’une des caractéristiques de la fonction RH est d’être marquée historiquement par sa dimension qualitative que ce soit dans les domaines du droit social ou de la psycho-sociologie qui constituent encore les fondements de sa légitimité dans de nombreuses entreprises. Ce n’est que plus récemment depuis une quinzaine d’années, notamment avec le développement des systèmes d’information RH et l’explosion de l’usage d’internet avec plus récemment l’émergence des solutions “cloud”, que la fonction a renforcé sa dimension quantitative avec un recours de plus en plus fréquent aux données chiffrées dont les fameux “Key Performance Indicators” (KPIs) pour analyser et prendre des décisions sur les politiques et pratiques RH à mettre en œuvre.
Le développement actuel et futur de l’analytique RH et l’utilisation plus fréquente du Big Data nécessitent de la part de la fonction RH le renforcement de ses compétences analytiques en recrutant des spécialistes de l’analyse statistique de haut niveau tels que l’on peut les trouver dans d’autres grandes fonctions de l’entreprise (finances, marketing, R&D…). Au-delà du recours à des experts de l’analytique, il s’agit également pour les DRH d’apprendre et de savoir maîtriser les basiques de l’analytique RH pour pouvoir interpréter les résultats des analyses de données de plus en riches ceci dans l’optique de comprendre les liens, souvent peu évidents, entre des facteurs explicatifs et des phénomènes comme la satisfaction client, le turnover ou l’engagement des collaborateurs.
Si le recours à l’analytique RH semble si prometteur pour la fonction sociale, c’est que son usage confère à la fonction une nouvelle image de rigueur qui n’est pas, d’ordinaire, sa première caractéristique. Avec le développement de l’usage de l’analytique RH et du Big Data, en effet, les DRH peuvent expliquer et beaucoup mieux justifier les décisions prises pour définir et mettre en œuvre une politique RH surtout si cette dernière connait des changements importants. Ils pourront, par exemple, expliquer et justifier de façon beaucoup plus convaincante une nouvelle politique de diversité à un ensemble de parties prenantes (investisseurs, managers, collaborateurs, clients, communautés locales…). L’utilisation exhaustive de base de données jusqu’alors peu exploitées faute de compétences et d’outils d’analyse performants pourra les amener à réévaluer des pratiques RH qui n’atteignent pas les objectifs d’efficience et d’efficacité attendus.
De nombreux domaines de la politique RH sont susceptibles d’être impactés par l’usage de l’analytique RH. Ainsi à titre d’exemple, on peut citer : la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (ou le strategic workforce planning dans sa version anglo-saxonne) avec l’analyse fine des compétences et des métiers stratégiques et les évolutions futures, le management des talents avec l’examen plus objectif des processus d’identification et d’évaluation du potentiel des personnes concernées, ou le management de la performance avec l’étude plus précise de la relation entre l’évaluation et les niveaux de performance individuelle et collective obtenus.
Comme le soulignait un livre récent sur l’évolution future de la fonction RH[4], l’un des défis principaux que doivent relever les DRH est celui de devenir des “activistes crédibles”. Dans cette perspective, l’usage de l’analytique RH conjugué au phénomène du Big Data est susceptible de leur donner enfin des moyens pour renforcer leur crédibilité vis-à-vis de leurs collègues d’autres fonctions qui se sont montées, depuis quelque temps déjà, dans le train du “business analytics”. Ils pourront ainsi développer leur capacité d’influence dans des comités de direction ou autres comités exécutifs dans lesquels ils sont encore perçus comme les “qualitatifs de service”. Mais la plus grande rigueur quantitative des DRH permise par l’analytique RH ne doit cependant faire oublier le H de DRH à savoir qu’ils restent les principaux garants de la dimension humaine de l’entreprise.
[1] Isson, J.P. & Harriott J.S. Win with advanced business analytics, Wiley, SAS collection, 2012
[2] Besseyre des Horts C.H. “SAS in the new millenium”, Etude de cas non publiée, Chaire Webhelp-HEC, novembre 2013
[3] Carlier S. : “Et si le Big Data revalorisait la fonction des “ressources humaines”?, Le Monde, 18 novembre 2013.
[4] Ulrich, D., Younger, J.,Brockbank, W. & Ulrich, M. (2012) : HR from the outside in, six competencies for the future of Human Resources, McGraw Hill.
(Cet article a été publié initialement sur www.rhinfo.com et dans la revue Personnel)
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