Published by HRMblogs, on 01/12/2020
Par Robert De Baerdmaeker (Partner Koan Law Firm)
En principe, la conclusion d’un CDD vise l’accomplissement d’un travail ponctuel. Pour déroger à la limite du nombre de CDD successifs, la loi ne prévoit que deux exceptions: la nature du travail et des raisons légitimes.
La loi est claire et stricte en ce qui concerne le recours à des contrats à durée déterminée (CDD) successifs. En réalité, la priorité est donnée à la conclusion d’un contrat à durée indéterminée (CDI), qui est censé consacrer une relation de travail durable, tandis que la conclusion d’un CDD correspond à un tout autre objectif, l’accomplissement d’un travail ponctuel.
Toutefois, il peut s’avérer que plusieurs CDD soient conclus successivement étant entendu que les limites légales, à savoir quatre contrats d’au moins trois mois pour une durée totale de deux ans soient respectées.
La loi prévoit néanmoins deux hypothèses permettant à un employeur de justifier qu’il y soit dérogé.
Dans un arrêt du 14 novembre 2018 (J.T.T. 2020, p.414), la cour du travail de Bruxelles a fait une application rigoureuse d’une des deux exceptions prévues par la loi à ces principes.
La nature du travail ou des raisons légitimes
Si un employeur et un travailleur ont conclu plusieurs CDD successifs sans interruption attribuable au travailleur, ils sont censés avoir conclu un CDI.
Les craintes d’un employeur relatives aux fluctuations du volume de travail ne constituent pas une raison légitime au sens de la loi.
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Toutefois, la loi permet à l’employeur de justifier la validité des CDD successifs si ceux-ci sont liés à la nature du travail ou justifiés par d’autres raisons légitimes.
A défaut, les CDD successifs “devenus” un CDI ne peuvent être rompus que moyennant préavis ou indemnité. Dans la pratique, la situation qui se présente est celle d’un employeur ayant considéré à tort que l’échéance du dernier CDD a mis fin à la relation de travail se voit réclamer le paiement d’une indemnité de rupture.
Des travaux “saisonniers”
Pour autant qu’on puisse les qualifier comme telles, une série de fonctions liées à l’enseignement s’exercent uniquement durant l’année scolaire de septembre à juin sans qu’aucune prestation ne soit requise durant les deux mois d’été.
Dans l’affaire soumise à la cour du travail, une commune avait conclu quatorze CDD successifs à chaque fois de septembre à juin avec une surveillante de garderie et, pour les mois d’été, celle-ci était engagée comme monitrice ou surveillante d’un centre récréatif lié à ladite commune.
Après le dernier CDD, la commune ne proposa pas de nouveau contrat à la surveillante qui entama une action au paiement d’une indemnité de rupture considérant que ses CDD constituaient ensemble un CDI.
Les raisons légitimes de la commune
Pour résister à cette action, la commune plaidait qu’elle n’aurait pas pu agir autrement car elle aurait été, avant le début de chaque année scolaire, dans l’impossibilité de déterminer combien d’élèves seraient inscrits et si une fonction de surveillante s’avèrerait nécessaire. Elle voulait donc rester maître de la situation et ne pas procéder à un engagement qui aurait pu ne pas être utile.
L’analyse de la cour
La cour releva d’abord que le nombre d’heures de travail de la surveillante n’avait cessé de croître au fil du temps et que, par ailleurs, le nombre d’élèves était stable; ce qui avait d’ailleurs amené la commune à conclure à plusieurs reprises un nouveau CDD avant même la fin des périodes d’inscription. Elle en déduisit que le nombre d’inscriptions ne pouvait constituer une cause de justification légitime.
La cour releva aussi – mais cela n’était pas contesté – que les interruptions entre chaque CDD n’étaient pas imputables à la surveillante.
Enfin, la cour n’accepta pas l’argument fondamental de la commune lié à ses craintes de ne pas avoir besoin de la surveillante. Selon la cour et ceci fait tout l’intérêt de la décision, c’est à l’employeur d’assumer les risques liés aux fluctuations du volume de travail en son sein en supportant, le cas échéant, la nécessité de mettre fin aux contrats de certains de ses travailleurs.
Agir autrement déplacerait les risques des activités de l’employeur sur la tête des travailleurs.
En d’autres termes, les craintes d’un employeur relatives aux fluctuations du volume de travail ne constituent pas une raison légitime au sens de la loi.
En conséquence de quoi, la commune fut condamnée au paiement de l’indemnité compensatoire de préavis réclamée et calculée sur la base d’une ancienneté remontant au premier jour du premier CDD.
(Cette article est paru également sur le site web lecho.be)
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