Published by HRMblogs, on 29/07/2022
Par Robert De Baerdmaeker (Avocat chez DALDEWOLF)
L’idée est largement répandue dans le public. Un travailleur en incapacité de travail ne peut être licencié tant qu’il n’a pas repris son travail. Or, ce n’est pas exact.
Si le licenciement notifié durant la période d’incapacité se fait moyennant un préavis, ledit préavis ne commencera à courir qu’après l’expiration de la période d’incapacité. En revanche, si le licenciement a un effet immédiat et qu’une indemnité de rupture est payée, il peut intervenir et produire ses effets durant la période d’incapacité.
Se greffe sur cette situation une autre réflexion, qui est celle de savoir si le licenciement n’est pas lié à l’état de santé du travailleur, sachant que cet état de santé est un critère protégé par la loi; ce qui pourrait avoir pour conséquence de provoquer une discrimination dont la réparation se traduit par le paiement d’une indemnité complémentaire équivalente à six mois de rémunération.
Le Tribunal du travail de Liège division Namur a rendu à cet égard, le 13 décembre 2021, un intéressant jugement (RG 20/583/A).
Des performances décevantes
Ayant été engagé comme directeur général dans un centre hospitalier, un travailleur posa sa candidature pour devenir le directeur informatique du centre au moment du lancement d’un projet particulièrement important la matière, dont l’enjeu et la difficulté étaient bien réels.
Deux ans après cette nomination, des difficultés de communication et de fonctionnement se posèrent. Le centre décida alors de faire appel à un consultant extérieur, qui identifia de nombreux problèmes de gestion, de communication, d’organisation, d’anticipation et de budgétisation outre des failles en matière de sécurité.
Suite à la diffusion d’un document interne proposant des pistes de solution, le directeur ne témoigna que peu d’intérêt pour cette initiative et il présenta de son côté un plan d’action, qui n’emporta pas l’adhésion.
Il tomba alors malade et, durant la période d’incapacité, il lui fut proposé de tenir une réunion relative à la gestion de son département; ce qu’il n’accepta pas en raison de son état de santé.
Il fut alors licencié avec effet immédiat moyennant indemnité et le centre veilla à indiquer les motifs de sa décision; ce que de l’intéressé contesta. Il prit alors l’initiative d’une procédure.
Discrimination?
La thèse défendue par le directeur était fondée sur une des lois anti-discrimination du 10 mai 2007, selon laquelle l’état de santé ne peut justifier un licenciement.
À première vue, la coïncidence entre l’incapacité de travail et le licenciement pouvait faire penser à l’existence d’un lien entre les deux, mais c’est, en pratique, qu’il faut apprécier si c’est bien le cas et c’est ce que le tribunal s’employa à faire.
Il releva en détail le suivi du projet informatique particulièrement important pour l’employeur et les carences du directeur dans l’exécution de sa mission.
Il souligna l’existence de difficultés de fonctionnement au sein du département informatique et il en déduisit que le licenciement avait été décidé pour des raisons purement professionnelles non liées à l’incapacité au moment du licenciement.
Il rejeta donc la demande de paiement de l’indemnité de six mois.
Manifestement déraisonnable et abusif ?
Le directeur réclamait également l’indemnité maximale de 17 semaines au motif que son licenciement aurait été manifestement déraisonnable, c’est-à-dire sans lien avec son comportement ou les nécessités de l’entreprise.
Le tribunal rappela que son contrôle ne pouvait être que marginal, ne lui permettant pas de se substituer à l’employeur. Sa mission se limite à évaluer la dimension « manifestement » déraisonnable du licenciement.
Eu égard à l’importance du projet informatique pour le centre et de l’insatisfaction continue pour les prestations du directeur, le tribunal en conclut que cette demande n’était pas fondée non plus.
Enfin, le directeur revendiquait une indemnité de 5.000 euros du chef de licenciement abusif reprochant à son employeur de ne pas avoir procédé à son audition préalable. Mais le tribunal rejeta aussi cette demande, car, dans le secteur privé, il n’existe pas d’obligation d’audition préalable et il ajouta que l’intéressé restait en défaut d’apporter la preuve de l’existence d’une faute.
(Cet article est paru initialement sur lecho.be)
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